Les
sourcils buissonnent un peu plus
peut-être et puis son improbable
coiffure blonde dégarnie a fait
place à une tonsure impeccable. Pour
le reste, rien n'a changé. Toujours
ce visage émacié, ces yeux à
l'affût, noirs, attentifs qui
semblent tout capter.
Un visage de vieux jeune homme
finalement. Un peu enfermé à
l'intérieur de soi. Le regard devant
lui, porté comme un poing comme
lorsque la Suède régnait sur la
planète hand et qu'il était à la
manoeuvre. Les Wislander, Larsson,
Olson and co enquillaient et lui
régalait. Les autres désespéraient
sauf lors de J.O. qu'il n'a jamais
remportés*.
L'ancien Sélestadien Olivier Engel,
qui a été son coéquipier à
Schutterwald il y a dix ans, se
souvient d'un joueur hors norme et
d'un type épatant.
« Sa présence a été l'une des
raisons pour lesquelles je suis allé
à Schutterwald et pas ailleurs, se
souvient-il. Quand j'étais gamin, je
voyais ce petit bonhomme blond qui
faisait pleurer les colosses russes
et je rêvais de l'approcher.
Andersson, c'était un absolu du
handball. Un joueur comme on en voit
pas un par génération ».
« Tu peins "Jack"
en blanc... »
Un
physique plutôt quelconque dans le
hand (1,80 m, à peine 80 kg), mais
une science, une vision du jeu sans
égal. Une paire d'yeux, on y
revient, qui voyait tout, tout le
temps, avant tout le monde. Le
pivot, l'ailier démarqué, la faille
dans la défense.
« Déjà à la télé, il t'apprenait
des trucs, mais quand tu
l'approchais..., poursuit Olivier
Engel. En plus, c'est un super
gentil mec, pas star pour un sou.
Moi, je n'étais rien qu'un gamin de
24 ans qui avait marqué quelques
buts en France quand j'ai débarqué
et lui avait déjà tout gagné, mais
il était à l'écoute, faisait profil
bas. Je l'emmenais se promener à
Strasbourg, tranquille. Et puis,
c'était un bosseur sur le terrain,
mais un gamin dans la vie, capable
de mettre de la colle dans les
chaussettes d'un coéquipier pour
déconner ».
Comme Balic, comme Richardson (« Tu
peins Jack en blanc, tu lui enlèves
un peu de fantaisie, tu rajoutes un
peu de rigueur et un bras plus
rapide parce qu'il avait une vitesse
de bras que je n'ai jamais vue, un
vrai élastique, et tu as Magnus »),
l'actuel coach de Copenhague était
capable de changer le cours d'un
match à lui seul.
« Déjà, il mobilisait deux joueurs
à lui tout seul, continue Engel.
Sans rien faire, il ouvrait des
espaces. Mais il en faisait des
choses. Et tout ce qu'il faisait
était calculé, pensé. Jouer avec
lui, c'était magique ». Sous ses
ordres, ça ne doit pas être mal non
plus.